MEDirections is delighted to share a new Research Report in French by Patrick Haenni and Arthur Quesnay.

Depuis 2014, le mouvement kurde en Syrie est devenu une force politique et militaire incontournable dans la guerre contre l’État islamique (EI). Mais confortée par les annonces de repli des troupes américaines, la Turquie a lancé le 9 octobre 2019 l’opération « Source de Paix » contre les Forces démocratiques syriennes, qu’elle considère explicitement comme une extension du PKK. A l’issue de cette intervention militaire qui s’est achevé fin novembre, le nord-est s’est installé dans un semblant de calme paradoxal et précaire qui n’augure pas nécessairement de la fin de la guerre.

De prime abord, le mouvement kurde semble avoir capitulé, laissant le régime syrien revenir sans combat dans une région qu’il avait abandonnée 7 ans plus tôt. En réalité, bien que déstabilisé, le mouvement n’est pas défait et garde des cartes dans un jeu toujours plus complexe pour l’ensemble des acteurs impliqués. Il conserve le contrôle des territoires, de ses forces militaires, des ressources pétrolières et des structures de gouvernance, ce qui lui permet de maintenir un ordre politique alternatif au retour d’un régime plus exsangue que jamais et d’être le seul acteur à même d’endiguer la résurgence de l’EI.

Pourtant, la position du mouvement kurde reste problématique à long terme en raison de sa vulnérabilité stratégique. Son leadership sait qu’il ne pourra pas survivre sans un passage au politique (ouverture sur Damas ou désescalade avec la Turquie), qui reste fortement improbable pour l’heure au regard des positions d’Ankara et de Damas. En l’absence d’alternative, l’accroissement des diverses pressions sécuritaires (Turquie, EI, régime), dans un contexte d’escalade entre les Etats-Unis et l’Iran, risquent d’accroître le nombre de conflits localisés qui mettrait à rude épreuve le modèle politique du nord-est.